Vous ne le connaissez sans doute pas et c’est la faute non pas à Rousseau mais à Steven Spielberg !!
Si le réalisateur américain avait produit La liste de Kersten, ce masseur extraordinaire serait connu dans tout l’Occident. Car cet homme simple aimant les plaisirs simples, la bonne chère, les jolies femmes et les promenades dans la campagne, a sauvé des centaines de milliers de vies pendant la Deuxième Guerre Mondiale d’après l’historien François Kersaudy.
Voici une histoire inspirante d’un Juste parmi les Justes.
Félix Kersten est né de parents germano-baltes à la fin du XIXème siècle en Estonie actuelle qui faisait alors partie de l’Empire russe. Diplômé d’agronomie, il est incorporé en 1917 à l’armée allemande puis se bat aux côtés de la Finlande contre la Russie et il acquiert ainsi la nationalité finlandaise. Mais terrassé par un rhumatisme articulaire aigu, il est envoyé des mois dans un hôpital d’Helsinki et finit par aider le médecin-chef Ekman lors de séances de massages au cours desquelles il fait preuve d’une très grande finesse tactile. C’est ainsi qu’il abandonnera l’agronomie pour suivre une formation de masseur avec différents médecins: les professeurs Collander, Biswanger, Cornelius et Bier puis un certain docteur Kô, lama tibétain, qui l’initie aux sciences médicales chinoise et tibétaine. Pendant trois ans, de 1922 à 1925, le masseur tibétain initie son disciple à la “thérapie manuelle” ou “thérapie physio-neurale” qui permet de saisir et d’étirer les nerfs sous les tissus sous-cutanés. En 1925, le docteur Kô retourne en Chine en assurant à Félix Kersten qu’il lui a transmis toutes ses connaissances et il lui lègue toute sa patientèle. Le masseur finlandais devient très vite extrêmement connu et riche et soigne de grands industriels comme Carl Bosch de IG Farben et August Diehn directeur du cartel de la potasse qui le récompensent très largement du soulagement qu’il leur apporte par ses mains miraculeuses. Des princes de sang font également appel à lui, comme le prince de Mecklembourg et sa femme, la reine Wilhelmine des Pays-Bas, ainsi que le duc de Spolète, cousin du roi d’Italie Victor- Emmanuel III.
Or, en 1939, August Diehn réussit à convaincre Félix Kersten de soigner Heinrich Himmler, le chef de la Gestapo et fidèle d’Hitler. Au début, le masseur n’est pas prêt à prendre autant de risques mais l’industriel s’est trompé de plusieurs 0 au moment de payer sa note de frais et Kersten se sent redevable d’autant que l’industriel lui demande juste un service minime: retirer son contre-maître qui a des idées social-démocrates des mains des SS.
C’est ainsi qu’il fait la connaissance de Himmler et entretient des rapports très rapprochés avec l’admirateur d’Hitler. Himmler souffre d’atroces douleurs de ventre, des crises qui le laissent vidé et pantelant. Il pourrait s’agir de la maladie de Crohn. Très vite, le chef de la Gestapo ne peut plus se passer de son masseur qui est le seul à pouvoir le libérer pour un temps de ses douleurs atroces que même des doses puissantes de morphine ne peuvent contrer. Pendant les séances de massage, Félix Kersten fait parler Himmler, lui témoigne de la bienveillance et obtient de nombreux renseignements. Petit à petit, il commence à obtenir des vies sauves en échange de ses services car il refuse de se faire payer autrement. D’après les estimations de la section suédoise du Congrès juif mondial de 1947, le masseur finlandais aurait sauvé 60 000 Juifs grâce à ses mains miraculeuses. Le 7 avril 1945, il a sauvé tous les détenus du camp de Bergen-Belsen sur un simple appel téléphonique. La femme politique Simone Veil lui doit la vie, pourtant elle ne l’a sans doute jamais su tant ce héros a été oublié. L’historien François Kersaudy estime qu’il a également sauvé les vies de près de 300 000 non Juifs, soustrayant parfois in extremis des résistants sur le point de subir le peloton d’exécution.
Cependant, malgré la biographie à peine romancée que l’écrivain français Joseph Kessel lui consacra en 1960, Les mains du miracle, ce héros resta inconnu pour le grand public. Il a pourtant sauvé bien plus de vies que l’industriel Oskar Schindler et sans jamais obtenir de rétribution financière.
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