Après Disney + qui avait lancé la série Dopesick, c'est au tour de Netflix de donner un coup de projecteur sur la crise des opioïdes aux Etats-Unis avec la mini-série Painkiller. Chaque début d'épisode rappelle que cette histoire est à peine romancée et raconte ce qu'ont vécu des centaines de milliers d'Américains, à savoir la perte d'un fils, d'un mari, d'un frère, victimes d'une overdose à l'OxyContin, un antalgique surpuissant semi synthétique à base de morphine, de codéine et d'oxycodone. C'est sur la commercialisation de cet antidouleur qui a causé 500 000 morts par overdose en 25 ans que la famille Sackler a bâti son immense fortune et son empire. C'est en payant des scientifiques, en subornant des fonctionnaires de la FDA et en formant des visiteuses médicales choisies sur leur physique et leur manque de scrupules que le laboratoire Purdue Pharma, selon la série, réussit encore actuellement à négocier avec la justice américaine sur un plan d'indemnisation de plusieurs dizaines de milliards de dollars.
C'est avec cynisme que Richard Sackler, interprété par l'excellent Matthew Broderick, vend et vante son nouveau produit à son équipe: "Fuir la douleur, atteindre le plaisir". C'est en effet une question cruciale : comment Glen Kryger, gérant d'un garage dans l'Indiana, peut-il retrouver une vie normale après l'accident stupide dont il a été victime et les souffrances qui lui ravagent le dos et le clouent sur son canapé ? Il le proclame lui-même devant les caméras du laboratoire Purdue venu faire sa publicité : "OxyContin m'a rendu la vie." Glen Kryger incarne l'Américain moyen, mari aimant, bon père de famille qui ne désire qu'une chose: faire vivre les siens grâce à son travail. Comme lui, des millions d'Américains n'ont eu d'autres choix que de se jeter dans les griffes des laboratoires pharmaceutiques juste pour pouvoir continuer à mener une vie normale, sans souffrance mais sans grand plaisir non plus et ont commencé comme lui à dégringoler vers une fin sordide. Le romancier Stephen King a témoigné qu'il s'était parfaitement reconnu dans ce personnage, lui qui à la suite d'un accident de voiture tellement grave qu'il a failli être amputé d'une jambe, s'est vu prescrire de l'OxyContin : "Je pourrais m'identifier à tout dans cette série."
Mais l'intérêt de la série vaut surtout par le personnage d'Edie Flower, superbement campé par Uzo Aduba, une enquêtrice pugnace au caractère bien trempé, pour le bureau du procureur de Virginie.
"Comment un médicament prescrit de manière légale pouvait-il tuer autant de monde ?" se répète-t-elle et elle ne peut s'empêcher de noter l'incroyable différence de traitement entre son frère emprisonné pour de longues années pour avoir dealé du crack alors que les visiteuses médicales chargées d'inciter les médecins à prescrire toujours plus, jeunes, belles et délurées, profitent au grand jour du fruit de leurs déprédations.
Pourtant, si la mini-série Painkiller met le doigt là où l'Amérique a mal et sur le "Vae victis" des winners, elle n'insiste pas sur le rôle éminemment politique joué par les dirigeants américains à la fois Démocrates et Républicains. En effet, un coup de téléphone passé en pleine nuit par Richard Sackler à la Maison Blanche suffira à anéantir un procès et un quart de siècle de scandale sanitaire n'a pu venir à bout de cette famille richissime.
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