La cavale de Baby M 1ère partie

Publié le 1 juillet 2024 à 09:38

Ding dong, ding dong!

C’est la sonnette qui l’a tirée du sommeil. Au début elle a cru que c’était dans son rêve mais non, quelqu’un est bel et bien en train de se pendre au cordon. Et des coups retentissent maintenant sur la lourde porte de bois de l’entrée. Elle coule un regard vers le radio réveil de la table de chevet: 02h35. Qui peut bien faire un tel raffut à cette heure? Et bébé Mélissa vient de se réveiller dans son berceau et pousse des vagissements de petit chiot perdu.

William, William, réveille-toi! Qu’est-ce qui se passe?

Elle n’a pas eu besoin de le secouer longtemps, les coups de sonnette rageurs avaient déjà zébré ses rêves.

A peine le temps de passer ses pantoufles et d’enfiler une robe de chambre que déjà il se précipite dans l’escalier. On entend maintenant des hurlements de femme.

_ C’est elle, gémit-elle et elle se penche sur le berceau. Elle attrape son bébé qui hurle sa peur.

_ Ne t’inquiète pas, tu es mon bébé, ne t’inquiète pas.

_ Rendez-moi mon bébé!!! hurle une voix de femme qui déchire la nuit.

 

Les cris hystériques ont succédé aux coups sur la porte et aux tirs de sonnette.

Elle entend William qui a ouvert la porte et qui essaie de raisonner la femme.

_ Mary Beth, on a signé un contrat, ce n’est plus votre bébé.

_ C’est mon bébé! C’est ma chair et mon sang, je l’ai porté pendant neuf mois, vous n’avez pas le droit de me le voler.

 

Elizabeth l’entend hurler comme une louve blessée et taper dans la porte et les murs.

_ Rendez-moi ma fille! Sales voleurs de bébé!

Les lumières s’allument dans les appartements du quartier, certains ouvrent les fenêtres.

_ C’est pas bientôt fini? Je travaille demain!

Toujours le ton calme de Will qui s’essaie à parler bas pour que Mary Beth arrête de vociférer et d’ameuter tout le quartier. Il la fait entrer dans le vestibule et referme la porte.

_ Vous voulez un café, Mary Beth?

_ Non, je viens chercher mon bébé! Rendez-moi mon bébé! Sarah, je viens chercher Sarah! Vous n’avez pas le droit de nous séparer. C’est ma fille.

_ C’est aussi la mienne, Mary Beth et vous avez cédé vos droits sur elle. Nous avons signé un contrat, rappelez-vous.

_ Non, c’est ma fille!

Elle s’effondre en larmes sur une chaise que William vient de lui présenter.

_ Je ne peux pas vivre sans elle. J’ai cru que je pourrais mais je ne peux pas.

 

William respire un peu, Mary Beth ne crie plus.

_ Quand vous m’avez dit que vous vouliez la prénommer Mélissa, c’est là que j’ai compris que je ne pourrais jamais. C’est ma fille. Sarah est à moi. C’est ma chair et mon sang. Vous ne pouvez pas comprendre William, c’est charnel, cette vie a palpité en moi pendant neuf mois.

 

A l’étage, Elizabeth ne sait que faire, descendre, ne pas descendre, rencontrer cette femme qui lui fait peur parce qu’elle le sait bien au fond d’elle-même qu’elle est plus légitime qu’elle, elle est la vraie mère de Mélissa, celle qui lui a donné son ventre et ses gènes.

Bébé Mélissa se tortille sur son sein stérile en pleurant de frustration.

 

Finalement Elizabeth prend la décision de descendre et d’aller à la rencontre de Mary-Beth. Elle la découvre pleurant presque en silence maintenant, recroquevillée sur sa chaise. Elle n’a visiblement pas ou peu dormi depuis ces trois jours, depuis l’accouchement et la vente du bébé. Le rimmel coule en cascade sur ses joues creusées. Mais ce qu’Elizabeth remarque tout de suite c’est le chemisier de Mary-Beth trempé de colostrum qui lui colle aux seins et fait ressortir ses aréoles gonflés.

Mary-Beth reprend vie à la vue du bébé.

 

_ Sarah! Je peux la prendre dans mes bras?

 

La pitié étreint le couple Stern.

La mère reprend sa fille qui se tortille en frémissant du nez à la recherche du sein, celui qui pourra la nourrir et l’apaiser. Mary-Beth soulève fièrement son chemisier et enfourne un téton dans la bouche largement ouverte de Sarah. Plus un bruit, un ange passe, un ange tête. Mary-Beth sourit à sa fille, une lueur de triomphe adressée à Elizabeth dans les yeux. Liz Stern se sent de trop dans sa propre maison, William est mal à l’aise dans sa robe de chambre. La souffrance de Mary-Beth est compréhensible.

 

Celle-ci lève les yeux sur eux:

_ Vous savez qu’elle ressemble beaucoup à sa grande sœur Tuesday?

 

Encore une flèche destinée à percer le cœur d’Elizabeth, une flèche qui signifie: je suis sa vraie mère, sa seule mère et ceux qui veulent me l’enlever ne sont que des voleurs de bébé.

_ Vous savez, je ne peux pas… Je ne peux pas pour l’instant. J’ai besoin de temps.

 

Les Stern ne répondent pas, le temps s’est arrêté pour eux aussi.

 

_ Laissez-moi une semaine, je vous la rendrai ensuite. Juste une semaine. Je pourrai lui donner la tétée.

Devant les Stern qui ne répondent toujours pas elle se met à répéter en boucle:

_ Une semaine, s’il vous plaît, juste une semaine, une toute petite semaine. Je vous la rends vendredi. Ce n’est pas grand chose pour vous, vous la garderez ensuite toute la vie.

 

William a cédé. Le cœur d’Elizabeth se déchire en une douleur silencieuse.

_ D’accord, Mary-Beth, mais juste une semaine. Je reviendrai chercher ma fille vendredi.

Et il insiste sur le possessif.

 

Elizabeth remonte remplir une valise pour bébé Mélissa. Elle pleure de honte et de frustration. Deux mères pour le même bébé, il y en a forcément une de trop. Elle essuie ses larmes. Contrairement à Mary-Beth, elle ne veut pas se donner en spectacle.

Elle redescend la valise en s’essayant même à sourire.

 

_ Non, non, dit Mary-Beth en infligeant un nouveau camouflet à Liz, je n’en ai pas besoin, j’ai gardé toutes les affaires de sa sœur Tuesday.

_ Votre mari vous attend? demande William.

_ Oui, il est garé de l’autre côté de la rue et m’attend dans la voiture.

_ Souvenez-vous des termes de notre contrat, Mary-Beth. Nous faisons un effort pour vous mais ne trompez pas notre confiance.

Mary-Beth ne répond pas.

Et elle part en courant dans la nuit emportant Mélissa/Sarah, laissant Elizabeth mortifiée et William anéanti. Leur nuit est terminée et s’ils remontent se recoucher en silence, c’est plus pour se retrouver seuls dans leur silence à remuer les émotions qui les étreignent et pleurer dans le noir sans que l’autre ne s’en aperçoive.

(...)

Tirée d'une histoire vraie

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